Contexte

L'eczéma est une maladie chronique de la peau qui touche de 5 à 20 % de la population. Cette pathologie inflammatoire non transmissible provoque une éruption prurigineuse et souvent rouge, en particulier au niveau des plis cutanés, du cou et du visage. Ses causes ne sont pas encore complètement élucidées, mais on sait que des anomalies de la couche protectrice externe de l'épiderme, l'immunité innée et adaptative et l'exposition aux allergènes et microbes jouent toutes un rôle dans son développement. On en distingue deux variantes : l'eczéma atopique et l'eczéma non atopique. Les patients qui souffrent de la première forme présentent une " atopie ", une prédisposition génétique à la production d'anticorps IgE en réaction à une exposition normale aux allergènes.

Plusieurs études ont observé des différences de flore intestinale entre les patients atteints d'eczéma et les personnes qui n'en souffrent pas, et la piste des probiotiques est donc régulièrement mise en avant pour le traitement de cette maladie. Les probiotiques actuels contiennent principalement des bactéries de l'acide lactique telles que des lactobacilles et bifidobactéries, mais parfois aussi d'autres microorganismes vivants tels que des bactéries non lactiques, des moisissures ou des levures.

Cette revue Cochrane a collecté des études investiguant l'efficacité des probiotiques dans le traitement de l'eczéma. Les principaux critères d'évaluation étaient (1) des modifications dans les symptômes tels qu'évalués par les patients ou leurs parents et (2) la qualité de vie des patients, évaluée par euxmêmes ou par leurs parents. Nous nous sommes également intéressés aux effets secondaires.

Synthèse des résultats

La revue a inclus 39 études chez 2.599 participants au total, dont la majorité portaient sur des enfants souffrant d'eczémas légers à sévères. Dans ce cadre, les participants recevaient des souches de lactobacilles ou de bifidobactéries durant 6 semaines à 3 mois. Les doses et concentrations de probiotiques variaient fortement d'une étude à l'autre. Certaines études utilisaient des probiotiques contenant une bactérie bien spécifique, d'autres un mélange; en sus des probiotiques proprement dits, un certain nombre d'entre elles administraient également des prébiotiques, des sucres susceptibles de favoriser la croissance bactérienne.

La gravité des symptômes d'eczéma à la fin du traitement était évaluée à l'aide d'un questionnaire à compléter par les patients ou leurs parents. Ceci débouchait sur un score de 0 à 20, un score plus élevé correspondant à des symptômes plus sévères. La prise de probiotiques ne débouchait pas sur un score plus faible (différence moyenne: 0,44, IC 95 %* de1,22 à 0,33; 13 études, 754 participants). Dans 24 études (1.596 participants), les auteurs ont utilisé un questionnaire plus détaillé débouchant sur un score de 0 à 103, la gravité de l'eczéma étant cette fois évaluée tant par les investigateurs que par le patient (ou ses parents). Le score semblait alors plus faible chez les sujets qui avaient reçu des probiotiques (différence moyenne : -3,91, IC 95% de -5,86 à -1,96), mais cet effet est tellement modeste que les patients n'en remarquaient rien. Les participants (ou leurs parents) ont également évalué la qualité de vie du patient en s'appuyant sur divers questionnaires et échelles ; la prise de probiotiques n'améliorait pas ce paramètre (différence standardisée moyenne: 0,03, IC 95 % de -0,36 à 0,42; 6 études, 552 participants). Sept études (402 participants) n'ont pas rapporté de différence au niveau de symptômes gastro-intestinaux comme la diarrhée, la constipation ou les vomissements (risque relatif: 1,54, IC 95 % de 0,90 à 2,63).

Remarque

Les données probantes récoltées dans le cadre de cette revue sont de qualité moyenne (symptômes évalués par le patient) à faible (symptômes évalués par les investigateurs et le patient, qualité de vie et symptômes gastrointestinaux). Le principal facteur qui mitige notre confiance est que les résultats des différentes études sont extrêmement variables. Ils sont souvent aussi peu précis du fait d'un faible nombre d'études.

Conclusion

Les probiotiques ne semblent pas améliorer les symptômes de l'eczéma ou la qualité de vie tels qu'évalués par les patients. Lorsque les symptômes sont évalués à la fois par les investigateurs et par les patients, l'administration de probiotiques peut certes déboucher sur un score symptomatique plus faible, mais cette réduction est trop modeste pour être perceptible par le patient.

Implications pour la pratique

Il n'est pas opportun de recommander les probiotiques actuels en traitement de l'eczéma.

Makrgeorgou A, Leonardi-Bee J, Bath-Hextall FJ, Murrell DF, Tang MLK, Roberts A, Boyle RJ. Probiotics for treating eczema. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Nov 21;11:CD006135.

Consultez le texte de cette revue Cochrane dans son intégralité via la Cebam Digital Library for Health (www.cebam.be/fr/cdlh)

1 Cochrane Belgium, Cebam (Centre belge d'evidence-based medicine) http://belgium.cochrane.org

2 CEBaP (Centre d'evidence-based practice de la Croix-Rouge de Flandre)

L'eczéma est une maladie chronique de la peau qui touche de 5 à 20 % de la population. Cette pathologie inflammatoire non transmissible provoque une éruption prurigineuse et souvent rouge, en particulier au niveau des plis cutanés, du cou et du visage. Ses causes ne sont pas encore complètement élucidées, mais on sait que des anomalies de la couche protectrice externe de l'épiderme, l'immunité innée et adaptative et l'exposition aux allergènes et microbes jouent toutes un rôle dans son développement. On en distingue deux variantes : l'eczéma atopique et l'eczéma non atopique. Les patients qui souffrent de la première forme présentent une " atopie ", une prédisposition génétique à la production d'anticorps IgE en réaction à une exposition normale aux allergènes.Plusieurs études ont observé des différences de flore intestinale entre les patients atteints d'eczéma et les personnes qui n'en souffrent pas, et la piste des probiotiques est donc régulièrement mise en avant pour le traitement de cette maladie. Les probiotiques actuels contiennent principalement des bactéries de l'acide lactique telles que des lactobacilles et bifidobactéries, mais parfois aussi d'autres microorganismes vivants tels que des bactéries non lactiques, des moisissures ou des levures.Cette revue Cochrane a collecté des études investiguant l'efficacité des probiotiques dans le traitement de l'eczéma. Les principaux critères d'évaluation étaient (1) des modifications dans les symptômes tels qu'évalués par les patients ou leurs parents et (2) la qualité de vie des patients, évaluée par euxmêmes ou par leurs parents. Nous nous sommes également intéressés aux effets secondaires.La revue a inclus 39 études chez 2.599 participants au total, dont la majorité portaient sur des enfants souffrant d'eczémas légers à sévères. Dans ce cadre, les participants recevaient des souches de lactobacilles ou de bifidobactéries durant 6 semaines à 3 mois. Les doses et concentrations de probiotiques variaient fortement d'une étude à l'autre. Certaines études utilisaient des probiotiques contenant une bactérie bien spécifique, d'autres un mélange; en sus des probiotiques proprement dits, un certain nombre d'entre elles administraient également des prébiotiques, des sucres susceptibles de favoriser la croissance bactérienne.La gravité des symptômes d'eczéma à la fin du traitement était évaluée à l'aide d'un questionnaire à compléter par les patients ou leurs parents. Ceci débouchait sur un score de 0 à 20, un score plus élevé correspondant à des symptômes plus sévères. La prise de probiotiques ne débouchait pas sur un score plus faible (différence moyenne: 0,44, IC 95 %* de1,22 à 0,33; 13 études, 754 participants). Dans 24 études (1.596 participants), les auteurs ont utilisé un questionnaire plus détaillé débouchant sur un score de 0 à 103, la gravité de l'eczéma étant cette fois évaluée tant par les investigateurs que par le patient (ou ses parents). Le score semblait alors plus faible chez les sujets qui avaient reçu des probiotiques (différence moyenne : -3,91, IC 95% de -5,86 à -1,96), mais cet effet est tellement modeste que les patients n'en remarquaient rien. Les participants (ou leurs parents) ont également évalué la qualité de vie du patient en s'appuyant sur divers questionnaires et échelles ; la prise de probiotiques n'améliorait pas ce paramètre (différence standardisée moyenne: 0,03, IC 95 % de -0,36 à 0,42; 6 études, 552 participants). Sept études (402 participants) n'ont pas rapporté de différence au niveau de symptômes gastro-intestinaux comme la diarrhée, la constipation ou les vomissements (risque relatif: 1,54, IC 95 % de 0,90 à 2,63).Les données probantes récoltées dans le cadre de cette revue sont de qualité moyenne (symptômes évalués par le patient) à faible (symptômes évalués par les investigateurs et le patient, qualité de vie et symptômes gastrointestinaux). Le principal facteur qui mitige notre confiance est que les résultats des différentes études sont extrêmement variables. Ils sont souvent aussi peu précis du fait d'un faible nombre d'études.Les probiotiques ne semblent pas améliorer les symptômes de l'eczéma ou la qualité de vie tels qu'évalués par les patients. Lorsque les symptômes sont évalués à la fois par les investigateurs et par les patients, l'administration de probiotiques peut certes déboucher sur un score symptomatique plus faible, mais cette réduction est trop modeste pour être perceptible par le patient.Il n'est pas opportun de recommander les probiotiques actuels en traitement de l'eczéma.